Jacques Boucher participe à l’Université d’hiver de la CSN. Les syndicats québécois aujourd’hui : quels défis?
Professeur au Département de travail social de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Jacques Boucher a participé aux activités de l'Université syndicale d'hiver de la CSN qui se sont déroulées du 10 au 13 janvier 2012 au Centre de villégiature Jouvence (Mont-Orford).
Le professeur Boucher était l’un des orateurs à la première conférence de l’événement qui dressait la table, sur une base historique, de l’évolution du syndicalisme de 1930 à aujourd’hui en faisant ressortir ce qui s’est passé à la CSN.
Pour Jacques Boucher, qui a soutenu sa thèse de doctorat en 1994, il s’agissait d’un retour en terrain connu : « J’ai renoué avec mon travail de recherche qui a nourri ma thèse de doctorat, La transformation du discours de la Confédération des syndicats nationaux sur la modernisation sociale des entreprises. » Le professeur Boucher explique que sa présentation mettait l’accent surtout sur les défis actuels : « Près de 40 % des travailleurs québécois sont syndiqués, mais l’appartenance syndicale s’est beaucoup modifiée entre autres avec la confiance en la capacité des syndicats de défendre les droits des travailleurs. Quand j’ai présenté cet aspect, il y a des militants qui m’ont authentifié ce fait. » Monsieur Boucher insiste pour dire que ceci est très différent de l’antisyndicalisme primaire. Il donne en exemple l’image d’un syndiqué qui, dans son quotidien, ne voit pas tellement son syndicat, et s’il avait un gros problème, il va douter que son syndicat puisse le défendre. C’est comme si les syndicats perdaient de la crédibilité par rapport à la défense des droits des travailleurs en raison de certaines lois qui ont fait mal. Mais monsieur Boucher fait remarquer que les syndicats au Québec ont beaucoup mieux résisté à ce phénomène que dans l’ensemble de l’Amérique du Nord.
Comment modifier les stratégies pour relever les défis actuels et relancer le militantisme?
Le syndicalisme classique s’est construit principalement autour de la sécurité d’emploi, un horaire stable et des conditions qui s’améliorent avec le temps. « Ce monde-là s’est effrité en quelque sorte », dit le professeur Boucher qui ajoute que les dirigeants et chefs d’entreprises demandent constamment de la flexibilité. Les syndicats doivent modifier les stratégies et trouver comment défendre les salariés occupant les emplois les plus précaires. Le professeur Boucher livre une observation intéressante au sujet des nouvelles tendances sociales et de l’emploi : « Dans l’idéologie d’aujourd’hui on entend souvent, l’important c’est d’avoir un emploi! On s’interroge moins sur les conditions de travail qu’avant. Ce sont plus les conditions de vie et de consommation qui priment au détriment de la qualité de vie. »
L’inquiétude principale pour Jacques Boucher demeure les gens qui ont des emplois précaires et qui risquent d’être exclus du marché du travail pour une longue période.
« Il est certain que les modes de gouvernance se sont modifiés et le conflit social est de plus en plus complexe. Il y a différents conflits qui se croisent : la place des femmes, les minorités et les conflits dans le champ de la consommation lié au champ du travail. Nous avons une grande complexification du conflit social en général. »
Le constat du professeur Boucher nous apprend qu’auparavant les conflits au travail étaient beaucoup entre classes sociales. Maintenant, on ne peut plus parler de la classe ouvrière, il faut parler du salariat qui est composé d’un certain nombre d’ouvriers de moins en moins important, les autres salariés étant des employés des services. Par ailleurs, les entreprises ne sont plus dirigées par des propriétaires, de sorte que l’on ne retrouve plus la classe bourgeoise dans l’entreprise comme au 19e siècle et qu’on a assisté à l’émergence d’une nouvelle classe sociale d’experts dirigeants.
« Une majorité de la population se sent maintenant exclue vis-à-vis d’une minorité qui dirige tout et contrôle l’économie », souligne monsieur Boucher. Il voit qu’il s’agit d’un sentiment de ne plus avoir d’emprise sur l’orientation de la société et sur ses conditions de vie en général et bien entendu au travail.
Il faut absolument que les syndicats s’intéressent au mouvement des indignés puisque ceci est au cœur du conflit social central. Les gens de la CSN ont été très réceptifs à des choses comme ça et ils sentent qu’ils vont devoir s’adapter à ça.
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