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La boulimie du changement : une maladie du 21e siècle?

Devant une salle comble, le professeur Pierre Collerette a fait la démonstration de son esprit lucide, de ses grandes compétences et de l'art de vulgariser la connaissance lors d'une conférence intitulée : Plus ça change, plus ça continue de changer! Le 1er avril 2009, environ 120 participants étaient suspendus aux lèvres du conférencier.  Sans détour, le spécialiste du changement et des organisations a partagé avec son auditoire plus de 30 années d'expérience dans le domaine.

 « Depuis les années 1990, la plupart des organisations sont confrontées à des changements nombreux et profonds. Cette tendance est bien installée et il ne semble pas y avoir d'accalmie à l'horizon.  En outre, ces changements entraînent parfois une rupture avec les traditions, et viennent alors perturber les habitudes. Comme il s'agit d'un phénomène assez nouveau, on connaît mal les façons d'y réagir efficacement et chaque organisation doit y aller de ses propres expériences. Alors que certaines deviennent boulimiques du changement, d'autres choisissent plutôt de s'enfermer dans le statu quo. Il semble toutefois que ces deux voies soient, autant l'une que l'autre, inadaptées. »

Un parcours qui en dit long!

Après avoir obtenu sa maitrise en psychologie des relations humaines à l'Université de Sherbrooke (UdeS) en 1975, Pierre Collerette sera tour à tour chargé de cours à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR) et à l‘UdeS avant d'accepter un poste de professeur à l'Université du Québec en Outaouais (UQO), au Département des sciences humaines. Son enseignement sera grandement apprécié par ses étudiants se démarquant par une pédagogie axée sur l'interactivité et de brillantes simulations lors des cours du programme en animation.

En 1994, Pierre Collerette a bénéficié d'un congé de perfectionnement pour obtenir un doctorat en Science de l'information et de la communication à l'Université Paul Valéry à Montpellier, en France. Pendant cette année, il a terminé une recherche sur les phénomènes de la communication dans un contexte de changement organisationnel avec le réputé professeur Alex Mucchielli. La recherche qu'il a menée confirme que le facteur le plus influent est la relation entre le gestionnaire et le personnel. Il faut donc échanger ouvertement sur les problèmes qui justifient les changements pour obtenir une lecture concertée des problèmes et ainsi permettre d'agir avec des objectifs partagés.

De la théorie à l'action : Pierre qui roule n'amasse pas mousse

De retour à l'UQO avec son doctorat en poche, Pierre Collerette relève le défi de démarrer le Bureau de liaison université-milieu (BLUM) à titre de directeur. Responsable de la coordination des activités de perfectionnement, Pierre implique le BLUM dans plusieurs dossiers régionaux en collaborant à la réalisation d'un forum sur l'économie ou en participant à la Réforme Rochon dans le système de santé par exemple.

Ayant occupé pendant deux années le rôle de chef d'orchestre dans l'organisation et de la formation au service de la communauté, Pierre décidera de relever de grands défis en Europe, où il agira à titre de consultant en Suisse auprès d'institutions privées et de services publics. : « J'ai dû adapter mon expertise à la culture du pays. En fait, les problèmes sont sensiblement les mêmes, mais la culture et les mots pour l'exprimer sont différents. » Par ailleurs, il a aussi enseigné à l'Université de Genève et à l'Université de Neuchâtel.

D'une fusion majeure à la réussite scolaire

De retour en 2000, il occupera un poste de professeur au Département des sciences administratives à l'UQO. Avant la fin de cette année, il sera nommé par la ministre des Affaires municipales pour réaliser un mandat complexe et politique : la fusion des municipalités de Hull, Gatineau, Aylmer, Buckingham et Masson. À titre de vice-président du Comité de transition, il sera l'un des principaux architectes de ce changement organisationnel, culturel et social.

Un an plus tard, la fusion municipale se matérialisait. L'objectif de Pierre Collerette était que la ville demeure toujours au service des citoyens même si l'organisation réunissait désormais plus de 2 000 employés et couvrait un immense territoire. C'est dans cette perspective qu'il a insisté pour la création des centres des services dans chaque secteur de la ville.

Depuis, l'auteur du livre Le pilotage du changement est retourné à l'enseignement, à la recherche et à l'intervention sur le terrain, en particulier dans le milieu scolaire, afin d'aider les directions à combattre le décrochage et surtout favoriser la réussite scolaire. Il explique sa position :
« Beaucoup d'efforts sont consentis pour vaincre le décrochage scolaire, mais parfois sont dirigés vers des accessoires, c'est-à-dire des programmes ad hoc et des mesures particulières, au lieu d'être orientées vers la révision des pratiques pédagogiques, qui sont le cœur même de l'activité éducative. Pour faire une analogie, c'est plus important d'avoir un bon chirurgien qui effectue une excellente opération que d'avoir plusieurs salles de convalescence pour les patients dont la chirurgie a mal tourné. »

Une conférence sur les turbulences du changement

À travers des exemples et des métaphores, le professeur du Département des sciences administratives de l'UQO a expliqué lors de sa conférence publiques que les boulimiques du changement cherchent tellement à faire preuve de dynamisme et de capacité d'adaptation qu'ils versent dans une sorte d'agitation collective; lançant de nombreux chantiers et se dispersant dans toutes les directions. Paradoxalement, cette attitude vient accroître la turbulence et la complexité en déstabilisant l'organisation à un point tel que de nouveaux problèmes apparaissent, pour lesquels il faut trouver des solutions alimentant ainsi une spirale improductive.

Pour les individus qui œuvrent dans ce genre d'organisations, le professeur Collerette a soumis quelques recommandations : « Il faut savoir prendre soin de soi, et faire preuve de prudence ». Devant cette boulimie du changement, il suggère de cultiver le sens du réalisme plutôt que de s'attendre à des solutions magiques : « Devant le changement, vaut mieux être un acteur actif qu'une victime passive. »

La période de questions a été fort intéressante. Comme dernière question, un participant a demandé quel message le conférencier aimerait laisser en héritage à ses descendants.  « Il faut entreprendre les changements à la fois avec audace et discipline. Mieux vaut entreprendre de petits changements et de les réussir que de se lancer dans de grands changements qui risquent d'échouer! »

Pour en savoir davantage sur le sujet, vous êtes invités à consulter les articles suivants :
http://w3.uqo.ca/collpi01/ (articles 1 et 7)
http://www.observatoire.enap.ca/OBSERVATOIRE/docs/Telescope/Volumes12-15/Telv14n3_Collerette.pdf


 

 

Pierre Collerette, professeur à l'UQO, est un spécialiste du changement et des organisations possédant plus de 30 années d'expérience dans le domaine.

 

 

 

Conférence

120 personnes ont participé à conférence publique de Pierre Collerette le 1er avril 2009