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« Crise financière et politique monétaire »

Comme on l'a vu au cours de la chronique précédente, la crise financière actuelle résulte essentiellement de l'éclatement d'une bulle de crédit généralisée ayant affecté la plupart des agents économiques (ménages, banques, fonds spéculatifs, compagnies d'assurance). Après avoir accru leur niveau d'endettement à des niveaux non-soutenables, ces agents économiques se sont avérés particulièrement vulnérables aux fluctuations défavorables du prix de leurs actifs, et plusieurs d'entre eux furent dans l'obligation de déclarer faillite. Quel est le rôle de la politique monétaire dans un tel contexte?

On peut affirmer d'emblée que la politique monétaire est à la poursuite d'un double objectif de stabilité monétaire et financière. D'une part, l'objectif premier de la politique monétaire est de maintenir la stabilité des prix, et dans le contexte canadien, la cible explicite de la Banque du Canada consiste à maintenir le taux annuel d'inflation entre 1% et 3%. D'autre part, en tant que prêteur de dernier ressort, le rôle de la banque centrale consiste à fournir en liquidité les institutions financières dans le besoin. Dans la mesure où la crise financière actuelle ne cesse de déstabiliser le bilan de plusieurs institutions financière, ce rôle de prêteur de dernier ressort demeure essentiel pour maintenir la confiance des investisseurs. D'ailleurs, depuis le début de la crise en août 2007, on a pu voir à diverses occasions plusieurs banques centrales voler au secours d'institutions financières en péril.

Bien que ce rôle de prêteur ultime dévolu à la banque centrale fasse l'objet d'un large consensus, il en va autrement de sa gestion de la politique monétaire au cours des années qui ont précédé la crise. En effet, plusieurs analystes soutiennent que la politique monétaire fut trop relâchée pendant trop longtemps, ce qui se traduisit par des taux de financement très faibles qui auraient pu alimenter l'endettement excessif, élément déclencheur de la crise. Plusieurs ont toutefois rétorqué que compte tenu de l'objectif de la politique monétaire visant la stabilité des prix, le maintien par les banques centrales de bas taux d'intérêt était à l'époque nécessaire pour éviter de voir l'économie tomber en période de déflation. Il faut se rappeler qu'au cours de la période allant de 2002 à 2004, des pressions déflationnistes provenant d'Asie faisaient craindre une baisse marquée du taux d'inflation.

Cette problématique est complexe et il est toujours plus facile de critiquer après les faits. Il faut toutefois admettre qu'Alan Greenspan lui-même, qui fut le directeur de la Réserve Fédérale américaine de 1987 à 2006, a récemment admis que la politique monétaire aurait peut-être été trop laxiste au cours de cette période et qu'il n'avait jamais envisagé l'émergence d'une crise d'une telle ampleur. Il serait alors dans l'intérêt de la politique monétaire de développer des outils pour freiner l'expansion excessive du crédit et enrayer les bulles potentielles. Un débat à suivre.

 

 

David Tessier

par David Tessier, professeur

Département des sciences administratives